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NIHILISTE

changement, depuis six mois ! Alors, j’étais tout dans ta vie ; maintenant, je ne suis plus rien. Tiens, une soirée comme celle-ci t’aurait inspiré mille folies. Ai-je donc cessé de te plaire ? Suis-je moins belle, moins séduisante, moins désirable ?

— Tu es faite pour la damnation des hommes, Régine ; mais je ne t’aime plus.

— Pourquoi ?

— Parce que j’en aime une autre.

— Une autre ! Je voudrais bien la voir !…

— Elle est plus belle que toi, plus tendre, plus femme, meilleure, enfin !

— Elle doit être ennuyeuse.

— Ennuyeuse ! Tu ne sais pas ce que c’est que la passion avec ses douceurs, ses violences, ses sourires et ses pleurs ? As-tu contemplé le ciel avec toutes ses étoiles ? As-tu connu la foi avec tous ses transports et pressenti l’infini avec toutes ses extases ? Non, tu es née pour le vice ; celle que j’aime est née pour l’amour.

— Mais je t’aime aussi maintenant, plus qu’elle peut-être.

— Trop tard. Il y a un mort entre nous !

— Alors, pourquoi restes-tu auprès de moi ?

— Parce que je ne peux plus rester auprès d’elle. Je ferme les yeux sous tes baisers et je tâche de m’imaginer que ses lèvres seules me les donnent.