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NIHILISTE

longtemps sur ma faiblesse. Puis, une fièvre de désespoir et de rage me saisit, je me redressai avec un éclat de rire nerveux faux et amer. L’idée me vint de briser cette porte, de crier, d’ameuter les voisins et de jeter mon mépris à la face de cette créature qui se jouait si impudemment de mon amour. Je tournais mille projets dans ma tête, mille plans de vengeance, seule, la crainte d’échouer me retenait.

Cette fille m’avait trompé comme les autres ; aucun remords ne lui était venu de son indigne conduite, puisqu’à deux pas de ma demeure, vibrante encore de mes caresses, elle se donnait à un autre. Créature perverse, trompeuse et vile, la fange seule l’attirait et la charmait ! Pourtant, malgré mon mépris mille liens puissants m’attachaient encore à elle. Dans un vertige, je revis ses yeux profonds, sa bouche ardente, son corps de déesse, et la pensée qu’un autre homme se grisait de son parfum et tressaillait sous ses baisers me fut si intolérable, que je me laissai tomber à terre avec un cri d’agonie.

Longtemps je restai là, collant mon oreille à cette porte maudite, tâchant de deviner ce qui se passait entre les misérables. Par moment, un bruit de voix arrivait jusqu’à moi, et ce mystérieux murmure ajoutait encore à mon angoisse.

Au petit jour, je résolus de rentrer et, si j’en