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NIHILISTE

après une nouvelle caresse, elle remonta la lampe, s’assura que je ne manquais de rien, ouvrit la porte avec mille précautions et se glissa dehors. D’un bond je fus sur pied et, prenant le même chemin, je réussis à la suivre, sans éveiller son attention.

La nuit était obscure, le ciel sillonné de nuages bas chargés d’orage. Un homme attendait devant le perron. Je ne pus apercevoir son visage ; mais sa maigreur et sa haute taille me le firent aisément reconnaître. C’était celui qui avait entraîné Terka, un mois auparavant, lorsque nous rentrions de la campagne.

— Ne fais pas de bruit, lui dit-elle : « il » dort.

J’entendis un chuchotement étouffé, et les deux ombres se dirigèrent du côté du pavillon qu’habitait mon amie. Elle prit une clef dans sa poche, et, faisant passer son compagnon d’abord, elle referma la porte de l’intérieur. J’entendis même que l’on poussait un objet lourd devant le battant, de manière à intercepter la faible lueur qui aurait pu jaillir par le trou de la serrure.

L’atelier, éclairé par en haut, n’offrait aucune issue à ma curiosité ; les murs, lisses et élevés, ne pouvaient être franchis qu’à l’aide d’une échelle, et je n’en avais pas à ma disposition.

Un déchirement se fit en moi, un brouillard sanglant passa devant mes yeux, et je pleurai