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NIHILISTE

délicat et frissonnait au bord de sa jupe de velours scabieuse. Une petite toque garnie d’une aile de mouette recouvrait l’énorme torsade de ses cheveux. Ce n’est qu’à grand peine que je lui avais imposé ma volonté en matière d’élégance, et c’est le seul cadeau qu’elle ait voulu accepter de moi, « pour ne pas être indigne de son aimé, » disait-elle.

Le trajet fut délicieux. Seuls dans le wagon, nous éprouvions, pour la première fois, cette sensation d’intimité dans la nature que l’on ne peut avoir que loin de chez soi. Je la trouvais plus à moi, maintenant que la limite étroite de mon appartement ne la retenait plus. Les yeux des rares voyageurs que nous rencontrions s’arrêtaient sur elle avec une longue admiration, et les joies de l’orgueil satisfait s’ajoutaient au plaisir que je ressentais déjà.

— Nous sortirons souvent, Louise, lui dis-je en l’attirant à moi.

Elle me sourit tendrement, et posa sa tête sur mon épaule en signe de soumission.

Quand nous fûmes arrivés à Garches, elle m’entraîna dans les bois, et, sous la dentelle des premières feuilles, adorablement déroulées, elle s’arrêta et me tendit les lèvres.

— Pourquoi ne t’ai-je pas toujours connu ? soupirat elle. Pourquoi devons nous suivre une