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NIHILISTE

dans la route que vous vous êtes tracée. Le chemin que je vous ferai prendre sera éternellement doux et fleuri.

Je m’attendrissais au son de ma propre voix, et j’étais sincère. La ferme résolution de ne jamais abandonner Louise venait de s’imposer à moi.

Elle tomba dans mes bras en pleurant, et je l’emportai avec un cri d’ivresse.

Ce que fut cette première heure je ne saurais le dire. Les femmes que j’avais possédées jusque là ne m’avaient pas donné la sensation d’absolu bonheur que j’éprouvais auprès de cette jeune fille. Elle avait toutes les innocences de la vierge, et toutes les ardeurs de la femme la plus passionnée. J’estimai qu’elle était véritablement l’incarnation des rêves d’amour dont Régine n’avait été que l’imparfaite contrefaçon.

Je la regardais rattacher ses magnifiques cheveux sombres.

Son visage peu à peu pâlissait ; un pli douloureux se creusait au coin de sa bouche.

— Il faut que je te quitte, René, me dit-elle.

— Pourquoi ?

— Tu m’as promis de ne point m’interroger.

Et elle mit un doigt sur ses lèvres.

— Mais, tu reviendras, chère bien-aimée ?…

— Oh oui ! demain et tous les jours. Attends-moi à la même heure.