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NIHILISTE

homme, je ne devine pas la raison qui peut vous éloigner de moi. Vos parents n’habitent pas la France ?

— Je n’ai plus de parents

Elle baissa la tête, et des larmes coulèrent sur le mince mantelet noir.

Je la considérais en silence, ému et dérouté. Au bout d’un moment, je tentai un dernier effort.

— Louise, je ne vous demande pas vos secrets ; quel que soit le but que vous poursuivez, croyez que je ne chercherai point à vous en détourner. Ce que je veux, c’est un peu de votre cœur. Même coupable, je vous aimerais encore ! Mais votre regard est trop limpide, vos traits sont trop empreints de noblesse, pour que le soupçon d’une faute puisse même vous effleurer… Vous êtes sensible aussi, puisque vous venez de pleurer au seul souvenir de ceux que vous avez perdus. C’est à cette sensibilité que je fais un suprême appel ! Comme vous j’ai souffert, et vous ne me refuserez pas un peu de pitié.

J’attendis encore, puis, comme elle ne répondait pas, je poursuivis, sans me décourager :

— Nous sommes seuls, ici. Personne ne nous demandera compte de notre conduite. Nous sommes libres, nous sommes jeunes et nous nous aimons ! Quels obstacles pourraient nous retenir ? Peut-être auriez-vous de grandes désillusions