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NIHILISTE

cheveux d’un noir roux, ondés et tordus en lourdes masses, achevaient de lui donner un air fier. Pourtant, la lèvre sinueuse avait une courbe molle, douce et sensuelle. Si le front large, le nez droit accusaient la volonté, le menton d’un dessin moins ferme et un peu court, corrigeait ce que le haut du visage avait de hautain et d’impérieux.

En un instant, je vis tout cela. Je vis, aussi, un buste jeune et souple que le corset n’avait jamais comprimé, une démarche onduleuse, et, sous la jupe un peu relevée, un pied étroit assez bien chaussé.

Je toussai deux ou trois fois, mais elle ne daigna pas se retourner. Sans hâte, elle s’enfonça dans le jardin, et la porte d’un des pavillons se referma sur elle. Cette apparition avait donné un autre cours à mes pensées : je formais mille conjectures sur l’inconnue, et, tout à coup, le souvenir de l’infidèle maîtresse cessa de me hanter.

Je sonnai mon valet de chambre, et lui demandai quels étaient les locataires des pavillons.

— Un peintre et deux sculpteurs, me dit-il

— Cette personne en noir, qui vient de passer, est-elle la fille ou la femme de l’un d’eux ?

— Je crois qu’elle est seule, Monsieur, et qu’elle fait elle-même son ménage ; car la concierge ne pénètre jamais chez elle. Elle sculpte, m’a t-on