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NIHILISTE

longues méditations, je me croisai les bras, heureux de l’effet obtenu. Mon enthousiasme dura quelques jours, pendant lesquels, immobile dans un fauteuil, je jetai des regards satisfaits sur toutes les choses rares et délicates qui m’entouraient. Puis, une sensation de gêne m’envahit peu à peu, un bâillement m’échappa et je me demandai s’il ne serait point temps de chercher autre chose : une occupation assez absorbante pour m’enlever le sentiment de ma solitude et de mon misérable amour. Je ne trouvai pas. Déjà mes yeux se détournaient des merveilles si laborieusement assemblées, et, rêveurs, se posaient sur les grands arbres du jardin. De nombreux bosquets, dépouillés maintenant, voilaient les pavillons du fond. Cet ancien promenoir monacal avait tout le mystère, toute la poésie des pieuses méditations qu’engendre l’union intime de l’âme avec Dieu. Malheureusement, cette paix si enviable des religieux ne vient pas aux profanes qu’une amère désillusion a éloignés du monde !

L’isolement me pesait maintenant, de sombres pensées torturaient mes veilles, je me tournais et me retournais sur mon lit brûlant, sans pouvoir trouver le repos. L’image de Régine, si blonde, si frêle, si jolie et si perverse dans ses ingénieuses toilettes m’obsédait sans relâche. L’idée d’une réconciliation possible me hantait. Elle m’avait