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NIHILISTE

en distance. Cette pièce, qui faisait jadis partie d’un couvent, avait été consacrée au culte, et je m’étais borné à cacher la nudité de ses murailles, sans lui enlever son caractère primitif. Sur le sol, un soyeux tapis de velours gris ; des vases de porphyre, de bronze, de jade soutenus par des monstres dont les yeux d’émeraude brillaient dans l’ombre. Deux énormes éléphants de bois noir levaient, de chaque côté de la porte, leurs défenses d’ivoire cerclées de pierres précieuses. Tout le mobilier de cette chambre était en ébène ; le lit élevé de deux marches sur un épais tapis d’ours bleu.

J’avais cherché longtemps avant de donner à mon logis le cachet rare et personnel que les tapissiers n’inventent point, et je me flattais d’y avoir réussi.

Je ne parlerai pas de la salle de bain en marbre de portor, à garnitures d’argent ciselé, ni de l’antichambre ornée de mannequins bardés de fer sous des auréoles de kriss malais, de sabres, de poignards, de zagaies et de boucliers ; toute une flore tragique audacieusement épanouie.

Pendant un mois, cette savante installation m’occupa suffisamment pour empêcher mon cœur de se retourner vers le passé et de crier à l’infâme ma rage et mon mépris. Quand tout fut en place, qu’il n’y eut pas un détail qui ne m’eût coûté de