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sibles, pour recevoir par le soufle la grace qui leur estoit promise par les articles.

Ce soufle se fit en la manière : noz invisibles se despouillérent tout nuds, et, la face contre terre, le nigromencien, qui avoit une bouëtte pleine d’onguents et de graisse, leur frotta à chacun le dessus du col12, les aisselles, le bout d’en bas de l’eschine du dos, les parties honteuses et le fondement, puis souffla dans l’oreille droicte de chacun, leur disant : Allez et jouissez maintenant de l’effect de mes promesses. Et leur donnant à chacun l’agneau, il leur dit : Il ne vous reste plus que d’aller recognoistre la cour de nostre maistre, qui se tient à cent lieuës d’icy, et recevoir de luy le departement de vos voyages ; je vous serviray de conducteur pour ceste nuict. Ces paroles achevées, une forme de


12. Cette façon de s’oindre pour se métamorphoser ou se rendre invisible étoit de la vieille magie. La sorcière thessalienne chez qui logea Lucius ne procédoit pas autrement : « Elle ouvrit un gros coffret où étoit force petites fioles ; elle en prit une. Ce qu’il y avoit en cette fiole contenu, au vrai je ne le saurois dire. À voir, il me parut comme une sorte d’huile, dont elle se frotta toute des pieds jusqu’à la tète, commençant par le bout des ongles ; et lors, voilà de tout son corps plumes qui naissent à foison, puis un bec au lieu de son nez, fort et crochu. Que vous dirai-je ? En moins de rien elle se fit oiseau de tout point, le plus beau chat huant qui fut oncques. » (La Luciade, dans les Œuvres complètes de P. L. Courier, 1839, in-8, p. 124–125.) « Lorsque les sorcières s’oignent, dit de Lancre, p. 392, elles disent et répètent ces mots : Emen-Hetan, emen-Hetan, qui signifient ici et là, ici et là. »