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evesque estants leurs vivres abondamment renforcez, singlèrent vers Rome, pour recevoir aux pieds de Sa Saincteté sa benediction. En cest equippage, ceste noble et magnanime royne, avec toute sa compagnie, aborda ici dimanche passé, loüée grandement et prisée autant comme elle a esté admirée d’une si saincte resolution et d’un si grand courage qu’elle a eu en s’exposant à tant de dangers. Mesmes que soudain que l’on s’apperceust de l’eschauquette d’Algier, que la royne passoit oultre, on la poursuivist avec plusieurs flustes ; de quoy estant advertie, se mist à genoux, priant Nostre Seigneur qu’il ne l’abandonnasse point, comme il n’a faict, ny elle ny ceux qui ont bonne esperance en luy ; et dict-on que ce brigantin ne sembloit pas couler, mais voler, et que les mariniers à peine touchoient les rames du navire et voguoient neantmoins d’une extrême roideur. Ainsi donques, sans courir aultre empechement, la royne et ses compagnes sont arrivées à Rome. Tout incontinent qu’elle eut prins port, elle donna son brigantin à ses pauvres mais fidèles esclaves, et la liberté, quant et quant si long temps desirée, avec une bonne somme d’argent, dont ils sont demeurez riches et très contents ; et dit-on que, pour recognoissance de leur fidelité et peine, ils seront recompensez de Sa Saincteté.

La royne, avec tout son train, fust prinse en son brigantin par la venerable archiconfraternité du Confalon, et ainsi conduicte jusques à Rome et amenée à son logis, où, par le commandement de Sa Saincteté, avoit esté faicte toute la provision qui estoit necessaire pour recevoir une telle dame.