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aimée et à ses enfans, avec promesse de retourner en brief, comme aussi elle l’en requerit en pleurant, il se partit. À ceste occasion la royne, ayant commandé que l’on fist essay du brigantin desjà faict, il feut trouvé fort bon et bien equippé. Quelques jours après elle feignit de se vouloir esbattre jusques à la dite seigneurie, pour passer l’ennuy et fascherie que luy causoit l’absence de son mary ; ce qu’elle ne peult faire sans que le frère de son dict mary, à qui elle avoit esté recommandée par le roy en son depart, ne s’entremit à toute force à luy tenir compagnie. De quoy ayant conferé avec les esclaves, ils l’encouragèrent grandement et l’asseurèrent que, pourveu qu’elle eust ferme esperance au Dieu souverain, toutes choses succederoient très heureusement, et qu’ils pourvoyroient à tous inconveniens. Et ainsy, se vestant très richement et se chargeant des plus beaux et plus riches joyaux, et entre autres d’une chaisne de perles grosses, rondes et blanches, qui, après plusieurs tours, luy arrivoit jusques à la ceincture, laquelle, suivant l’estime des joyaliers de ces quartiers, est prisée plus de cent mille escus, sans le reste qu’elle porta à cachettes, afin de n’estre pas descouverte par ses damoyselles, qui ne sçavoient pas ceste sienne intention, outre une grosse somme d’argent qu’elle avoit donné aux esclaves pour porter en la barque ; equipée de ceste façon, monta sur son brigantin bien garny de toutes choses necessaires, soit pour le vivre, soit pour la conduite du navigage, et peu à peu vindrent à s’esloigner du rivage, faisant voile en haulte mer. De quoy s’appercevant, son dit beau