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ce grand prelat en la compagnie duquel il l’avoit veu.

Ayant pratiqué Bertoloni, et le jugeant homme d’esprit et du monde, il luy dit que ces considerations le forçoient à luy descouvrir quel il estoit, et, luy ayant fait le mesme discours qu’il avoit tenu à l’evesque de Concordia, il y adjousta que la dernière resolution qu’il prenoit en sa mesadventure estoit d’aller à Turin trouver le marquis d’Est, qui estoit sur le point de faire un voyage en Espagne pour y traiter du mariage du fils du duc de Mantouë avec la fille du duc de Savoye, et le supplier d’obtenir lettres du roy d’Espagne, adressantes au vice-roy de Naples, pour la paciffication de ses affaires et son restablissement en son evesché, et qu’à cette fin il avoit desiré d’avoir nombre de diamans non mis en œuvre pour en faire faire des carquans17 et enseignes18, et quelques beaux diamans mis en œuvre, perles et chesnes d’or, pour en faire des presens au sieur marquis d’Est et autres seigneurs et dames qu’il estimeroit pouvoir quelque chose pour luy.

Estant à table (où tousjours il fut servi en vaisselle d’argent), il entretenoit ordinairement Bertoloni des discours des grands, des affaires principales, de


17. Le carcan étoit la chaîne de pierreries que les femmes portaient sur la gorge. On l’appeloit déjà jaseron, comme aujourd’hui, quand elle étoit d’or, et faite en fines mailles serrées, comme le haubert ou jaseron des chevaliers.

18. Les enseignes de pierreries étoient des ornements faits de plusieurs pierres enchâssées. Les hommes les portoient comme une aigrette au chapeau. C’étoit un souvenir des modes chevaleresques.