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nise à un sien nepveu, estudiant à Rome, mais que, pour lors, il disoit avoir envoyé à Venise pour quelques affaires ; baille les cinquante escus à Alexandre Bossa, et prend de luy lettre de change de pareille somme. Il garde ceste lettre quinze jours, pendant lesquels luy, qui avoit la main fort instruite et hardie à l’escriture, s’estudie à imiter et contrefaire la lettre d’Alexandre Bossa4. Au bout des quinze jours, il reporte la lettre à Alexandre Bossa et retire ses cinquante escus, luy faisant entendre que ses affaires estoient faites à Venise, et qu’il n’avoit plus de besoin de s’y faire remettre aucuns deniers.

En pratiquant en la maison d’Alexandre Bossa pour prendre ceste lettre de change et la rendre, Fava avoit pris en l’estude quelques missives de neant, mais qui pouvoient autant servir à son dessein que papiers de consequence, d’autant qu’elles estoient escrites de la main d’Alexandre Bossa et de Francesco Bordenali, son complimentaire ; et mesme un jour, ayant espié le tems qu’il n’y avoit en l’estude d’Alexandre Bossa qu’un jeune garçon, il feignit d’avoir affaire à Alexandre Bossa et de vouloir attendre qu’il fust de retour de la ville, et pria ce jeune garçon de l’accommoder de papier, plume, ancre, cire et cachet, pour faire une couple de missives à quelques uns de ses amis, en attendant que son maistre retourneroit. Cela ayant esté permis à


4. « La dexterité qu’il avoit à imiter et contrefaire toutes sortes d’escritures luy donna bientost le moyen de contrefaire celle de Bossa, et de descouvrir les correspondances qu’il avoit à Venise. » Suppl. au Journ. de l’Estoille.