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le monde2. Cela, joint au petit nombre d’ouvrages que cette compagnie a produit et au peu d’attention que le roy semble y donner, faict croire au public qu’elle est entièrement inutile puisqu’elle ne faict rien, et encor plus, puisque S. M., à la pénétration de laquelle rien n’eschappe, semble l’abandonner. Il est cependant vray de dire que le soin de faire fleurir les lettres n’est point indigne du prince, car on remarque que de tous les temps la politesse dans les nations a esté une marque presque infaillible de supériorité sur les autres nations, et l’on a veu que les siècles et les pays fertiles en héros l’ont esté en hommes de lettres, et que la pureté du langage a toujours esgallé la prospérité de la nation.

L’Académie françoise avoit jusque icy assez remply cette idée, plus encore par raport aux pays estrangers qu’à la France mesme. Ils regardoient cette compagnie comme un tribunal souverain pour la langue, comme un corps toujours subsistant pour la conserver dans sa pureté, et luy donner en mesme temps l’avantage des langues mortes, qui est de n’estre


2. Pavillon, dans sa lettre à Furetière du mois de juin 1679, rend témoignage de cette inexactitude de la plupart des académiciens et de l’inutilité de la présence des autres aux séances. « J’ai été introduit, dit-il, incognito, il y a trois jours, à l’Académie, par M. Racine, etc… La scène qui s’y est passée en ma présence n’a pas été fort utile à l’enregistrement des décisions que l’on y a faites, puisque l’on n’a rien arrêté à cette assemblée. J’y ai vu onze personnes. Une écoutoit, une autre dormoit, trois autres se sont querellées, et les trois autres sont sorties sans dire mot. »