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Nostre mathematicien, piqué de l’industrie des castors, dont les ouvrages sont infiniment remplis d’adresse, voulut faire voir à la posterité que, si la nature donne aux animaux une industrie quy paroit plus que surnaturelle, les hommes, lorsqu’ils s’attachent à quelque chose avec application, aydez par la force du raisonnement, sont capables de faire des travaux quy peuvent surprendre les hommes, même jusqu’à les rendre interdits d’admiration.

Occupé de ces reflexions qu’il faisoit à la lueur de ces goblins, car il n’y avoit point là de lanternes, il fit alors le projet d’un moulin à barbe, et l’executa, non dans la vue d’un gain mercenaire, mais pour s’immortaliser seulement. Comme il estoit parfaict mathematicien, et par consequent dans la possession de toute la mechanique en general, ce fut peu de chose pour luy que de disposer les mouvemens dont il avoit besoin pour son moulin : ce fut là le moindre objet. Un autre de plus de consequence l’arrêta quelque temps ; mais la parfaicte cognoissance de son art luy feit vaincre l’obstacle fort facilement : c’estoit la difference des physionomies, dont les unes sont plus alongées ou plus raccourcies, ou plus grosses ou plus grasses, quy ont les lèvres plus plates ou plus enflées, les mantons plus petits ou plus grands, etc. Cest obstacle, quelque grand qu’il fust, ne cousta presque rien à nostre mathematicien : il feit avec de la terre glaise, quy ne manque pas dans ce pays-là, autant de physionomies differentes comme il pou-


vera combien l’auteur, qui a dit, tout à l’heure, la vérité en riant, se trompe au contraire ici.