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vous me donnez, que je ne m’en espargneray jamais pour vostre service. Cloris, puisque vostre compaigne est ingratte et volage, qu’elle se livre aux caresses de son amant nouveau, je ne la verray jamais, et, si vous me jugez digne de vous servir, je vous engageray les mêmes affections que j’avois pour elle. Quel besoin de m’estendre icy plus longtemps ? Philemon et Cloris se trouvèrent si bien d’accord qu’Isabelle fut mise en oubly : Philemon ne l’alloit plus voir ; mais ne croyant que son ressentiment le peust contenter s’il ne luy en donnoit la cognoissance, prit du papier et luy escrivit une lettre dont voicy la teneur :

Lettre de Philemon à Isabelle.

Isabelle, vous m’obligez en vos inconstances : car, me changeant pour un rival, vous me laissez la liberté de chercher des douceurs autre part que chez vous. Si vous avez du regret en ma perte, je ne m’offenceray point de la vostre, et, me vengeant par un oubly, vous feray voir que vostre faute est la vraie cause de mon repos.

Ceste lettre meit Isabelle en une peine estrange : car, aymant Philemon plus que tout le reste des hommes, et n’en pouvant soupçonner Cloris, ne sçavoit à quy se prendre de son malheur. Elle pleuroit, et, se plaignant de sa fortune, nommoit les destins ses plus cruels ennemis ; bref, elle s’affligeoit tellement que le desir de sa mort estoit le plus