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du seigneur dom Jean d’Autriche, laquelle les luy avoit baillez. Après laquelle responce le juge le met en arrest et en seure garde, et se transporte à Madrigal, afin de sçavoir si la responce à luy faicte par ledict personnage estoit veritable.

La donna Anne, ayant ouy les propos que luy tint iceluy juge, se mist en cholère contre luy jusques à luy vouloir donner de sa pantoufle sus la joue, comme l’on dit, disant qu’il ne devoit pas mettre la main sur un tel homme, et qu’il ne le cognoissoit pas, dont le juge s’esmerveilla ; et luy, estant de retour à Medine, il interrogea de rechef iceluy patissier, qui ne feist aucune reverence et ne porta aucun honneur audit juge, lequel luy demanda encores, par douces parolles, qui il estoit, avec plusieurs autres circonstances, ausquelles il respondit seulement qu’il estoit patissier de Madrigal ; et à la parfin il dit au juge : Le roy me cognoist bien, et sçaura bien qui je suis quand vous luy presenterez une lettre que je veux adresser à Sa Majesté. Alors il donna au juge une lettre escrite et signée de sa main, afin qu’il la feist tenir au roy d’Espaigne. Ledit juge, ayant icelle lettre, monte à cheval et s’en va à Madrid, et baille la lettre en main du roy, lequel, l’ayant leuë, fut assez long-temps en doute et pensif ; puis après, il appella un sien secretaire, des quatre qu’ils appellent de la clef dorée, nommé dom Christofle de Moura, lequel vint audict patissier de la part du roy promptement6, et parla separement et en secret


6. Dans le drame, c’est un alcade qui arrive secrètement de Madrid à Madrigal pour interroger Spinosa.