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moustaches de maistres de camp du grand Turc, le traversin que de cervelles qu’à coups de soufflets il a tiré de la teste de vieux capitaines, ses draps ne sont tissuz que de cheveux d’amazones, sa couverture que de barbe de Suisses, ses courtines que de sourcils ou paupières de hongres ; les murailles de son logis sont basties de pieces, tant de casques que de testes entières, des porte-enseigne de la royne d’Angleterre, qu’il a trenché avec sa formidable espée ; les plancherz de sa maison (au lieu de carreaux) sont pavez de dentz de jannissaires ; les tapisseryes sont peaux d’Arabes et sorciers qu’il a escorché avec la pointe de sa dague, et les tuiles quy couvrent sa maison sont ongles de monarques et roys, les corps desquelz il y a long-temps qu’en depit d’eux, et à leur corps deffendant, il a mis à coups de pieds en la sepulture5), conceut neantmoins, à l’ombre des moustaches de son compagnon (quy ressembloyent plus tost à des defences de quelque sanglier furieux, et quy eussent à la moindre action fait trembler la terre, espouvanter le ciel, cesser les ventz, devenir la mer calme, avorter les femmes grosses, fuir les hommes, mesmes aux plus vaillantz les forcer de dire d’une voix tremblante : Libera me, Domine), je ne sçay quelle mauvaise impression, quy fust cause


5. Ces rodomontades, comme celles qui précèdent et qui suivent, se retrouvent dans tous les rôles de matamores, qui font si grand tapage aux principales scènes des comédies du commencement du XVIIe siècle. Chateaufort, le fier-à-bras du Pédant joué, par exemple, les dit toutes, et bien d’autres avec.