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femme qui me puisse accommoder un rabat bien goderonné à ma fantaisie ! En voilà que l’on me vient d’apporter. Puis, les jettant en terre, les foulant aux pieds, dit ces mots : Je me donne au diable corps et âme si jamais je les porte.

Et ayant proferé ces detestables mots plusieurs fois, le diable sort un rabat de dessous son manteau, luy disant : Celuy-là, madame, ne vous agrée-t-il point ? — Ouy, dit elle, voilà bien comme je les demande. Je vous prie, mettez le moy, et je suis tout à vous de corps et d’âme. Le diable le luy presente au col, et le luy tordit en sorte qu’elle tomba morte à terre, au grand espouvantement de ses serviteurs. Le diable s’esvanouyt, faisant un si gros pet comme si l’on eust tiré un si grand coup de canon, et rompit toutes les verrines de la salle.

Les parens de la dite comtesse, voulant cacher le faict, firent entendre qu’elle estoit morte d’un catharre qui l’avoit estranglée, et firent faire une bière et firent preparer pour faire les obsèques, à la grandeur comme la qualité de telle dame portoit. Les cloches sonnent, les prêtres viennent. Quatre veulent porter la bière et ne la peuvent remuer ; ils sy mettent six… autant que devant ; bref, toutes les forces de tant qui sont ne peuvent remuer ceste bierre, en sorte qu’ont esté contraint d’atteler des chevaux ; mais pour cela elle ne peut bouger, tellement que ce que l’on vouloit cacher fut descouvert. Toute la ville en est abrevée ; le peuple y accourut. De l’avis des magistrats, on ouvre la bière : il ne se trouve qu’un chat noir, qui court et s’evanouyt par dedans le peuple. Voilà la fin de ceste miserable comtesse,