Page:Varenne de Beost - La cuisine des pauvres, 1772.djvu/79

Cette page n’a pas encore été corrigée
63
à ſes Compatriotes.

cours des Cultivateurs, attentifs obſervateurs des effets & des réſultats de cette culture, ſera bien mieux encore, que je n'ai pu dire, & portera à la perfection, les premiers efforts que j'ai faits.

Car cette culture n'eſt encore que dans un état d'enfance, qui a beſoin d'être ſoutenue contre le cours des préjugés & des erreurs, & trop foible d'ailleurs, pour pouvoir s'étendre par elle-même, aussi promptement que je le déſire. C'eſt dans la vue de remédier au premier mal, mes chers Compatriotes, que je vous fais paſſer ces éclairciſſemens & cet expoſé fidèle ; & pour obvier à l’inſuffisance de la ſemence, que je travaille à vous en procurer pour l'année prochaine ; car j’ai ſenti d'abord, qu'il ne suffiſoit pas d'être l’Apôtre des Pommes de terre, mais qu'il falloit encore en être le Pourvoyeur, pour mettre à même ceux qui veulent en planter, de s'en procurer de bonne eſpèce ; précaution qui m'a paru d'autant plus néceſſaire, que l’on ne connoiſſoit gueres dans ce Pays-ci, que les Topinambours ; eſpèce confondue, quoique bien mal-à-propos, avec les Pommes de terre, puisqu'elle en differe preſqu'autant que les Navets diffèrent des Fèves.

Sans entrer ici dans un détail de Botanique, qui prouverait combien leurs caractères sont diſtinctifs, les Pommes de terre sont farineuſes, & les Topinambours, aqueux comme les Navets ; & les propriétés de ces deux eſpèces, très-diſtinctes, diffèrent autant, qu'elles se reſſemblent peu par leur port, leur feuillage,, leur fleur, & enfin par toutes les parties de leur fructification.

L'erreur où bien des gens ſont encore cependant, de confondre ces deux eſpèces, a fait tomber dans une autre. C'eſt, dit-on, que les Pommes de terre infectent un terrein où l’on en a une fois planté. Cela eſt vrai à l’égard des Topinambours, dont la gelée n'endommage pas plus les racines que celles du Chiendent,, & qui pouſſent véritablement ainſi, par-tout où elles ont pris poſſeſſion du terrein ; mais il n'en eſt pas de même des Pommes de terre, qui, pour le peu qu'elles ſoient frappées de la gelée, pourriſſent ſans retour : ainſi, lorsqu'il y a eu pendant l'Hyver une