Page:Varenne de Beost - La cuisine des pauvres, 1772.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée
58
Lettre d'un Citoyen


mais quoi, faudra-t-il arracher nos Bois, détruire nos Prairies, pour y planter des Pommes de terre ? Non ſans doute ; faudra-t-il donc employer à cette culture, nos bonnes terres à Bled ? Il faut calculer auparavant, s'il y aurait à gagner ou à perdre ; je réponds à ces queſtions ſi souvent faites : ne, prenez point la peine de faire ce calcul très-inutile, comme vous allez voir. Nous ne venons point, comme Sir politique, vous proposer de mettre tout le Royaume en Ports de Mer ; nous ne venons point vous conſeiller de ſubſtituer à la précieuſe culture du Bled, celle des Pommes de terre ; non : mon premier vœu, & le plus ſincère, eſt que ma Patrie jouiſſe de celui qu'elle récolte, & que l’on ne faſſe paſſer chez les autres, que ce qu'il y aura de trop chez nous.

Nous ne venons point déranger l’ordre ordinaire de vos récoltes ; nous vous propoſons une culture qui vous ſera d'un grand avantage, ſans rien prendre ſur aucune des autres : & voilà comment.

N'êtes-vous pas dans l’uſage de partager vos terres en trois ſols ou compots ? Vous enſemencez un tiers en Froment, un autre tiers en menus grains ou mars ; & l'autre tiers eſt deſtiné à ne rien produire, & reſte, comme vous le dites, en jachères. C'eſt une partie de cette terre, deſtinée à ne rien produire cette année là, que vous emploierez à cette nouvelle culture. Si vous avez, par exemple, vingt acres de terre en jachère, vous en prendrez un acre ou deux, que vous fumerez & labourerez au Printemps ; vous y ferez votre plantation de Pommes de terre au mois d'Avril, & vous en ferez la récolte au mois d'Octobre ; & après cette récolte, il ne sera beſoin que de donner un ſimple labour à votre terre, & vous y ſèmerez du Bled.

Je peux aſſurer à tout Cultivateur, ſans crainte d'être démenti par l’expérience, puiſque c'eſt d'après elle que je parle, qu'il aura de plus beau Bled ſur cette terre, que ſur celle qui étoit reſtée en repos. Les Allemands qui l'éprouvent annuellement, diſent