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du Commerce des Bleds.


RÉFLEXIONS.


A quoi attribuer cette heureuſe révolution ? Le climat n'eſt point changé, les terres ſont les mêmes, preſque même nombre de Cultivateurs, les Impôts ne ſont point diminués. Alors je me ſuis dit :

Le Cultivateur incertain du produit des terres, par la grêle, les gelées ou autres accidents, accablé d'Impôts, néceſſaires ſans doute, mais très-onéreux par la manière de les percevoir, trouvoit encore des reſſources à franchir ces obſtacles. Mais dès lors qu'ont parus les prohibitions ou défenſes de diſpoſer à ſon avantage du produit de ſes avances, de ſes peines, de ſes travaux, de ſes craintes ; dès-lors qu'on lui a fait enviſager comme une grâce, de lui prendre à vil prix ce produit qui lui coûte tant ; alors ſon émulation, ſon ſavoir faire & la fertilité des hommes & de la terre, ont été frappés de mort.

Auſſi ai-je vu, dans ces tems malheureux, l’écorce de la terre, à peine ouverte, ne pouvoir fournir des ſucs aux plantes qui lui étoient confiées, & les chaleurs de l’Été brûler ce que les rigueurs de l’Hyver avoient ménagé.

J'ai vu, oui, j'ai vu des pères bénir le Ciel de ce qu'il leur enlevoit ce qu'ils dévoient le plus chérir : leurs enfans. J'ai vu des mères, les larmes aux yeux, envoyer ce fruit ſacré, ce gage de leur amitié, dans ces Hôpitaux, en leur ſouhaitant, comme un bonheur, la mort qui ne tardoit pas à leur obéir. Voilà ce que produit la miſère !

Il réſulte de ces choſes, ſur leſquelles j'ai gémi, que le fléau des privilèges, ces entraves ſur la liberté du Commerce, tel que ces brouillards ou ces vents enflammés qui deſſèchent, brûlent & détruiſent tout ce qu'ils frappent, avoient formé un déſert de nos Campagnes. La maigreur, l’abandon, le découragement des hommes & des animaux, offraient l’image de la miſere, l’obſ-