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Quand l'âme la plus haute a plus de défaillance
Et, du ciel oublié désertant le chemin,
Fait des vérités d'hier les erreurs de demain ;
Quand on voit par degrés les plus fiers caractères
Descendre lâchement de leurs cimes austères
Et, des mâles vertus abdiquant le trésor,
Hélas ! n'avoir plus soif que de pouvoir ou d'or ;
Quand l'homme, s'égarant de doctrine en doctrine,
Ne sent plus pour le vrai palpiter sa poitrine ;
Quand, du grand et du beau l'idéal incompris
Ne sollicite plus les ailes des esprits,
Et que la foi devient une formule obscure ;
Quand les Zénon muets font place aux Épicure ;
Quand tous les dévoûments s'éteignent, et qu'enfin
Jouir est le seul but comme la seule fin, —
Vous, artistes, du moins restez toujours fidèles
Au culte des vertus, ces vierges immortelles.
Sur leurs trépieds vermeils entretenez le feu
Autour du morne autel d'où l'homme arrache Dieu.
Fuyez sur vos hauteurs tous ces bas-fonds servîtes
Où rampent l'égoïsme et les passions viles,
Et laissez leur appel vainement vous tenter ;
Car plus le cœur descend, plus l'esprit doit monter.

Pour le rêveur qui songe et l'artiste qui crée
Dieu fit la solitude et son ombre sacrée.
Sur les sommets plus hauts l'aube a plus de rayons,
Et c'est dans le désert que naissent les lions,
Et sur les pics des monts que l'aigle fait son aire
Pour fixer au soleil son œil visionnaire.

Seuls avec votre cœur, méditez et rêvez.
Complétez votre esprit dans le calme, et vivez