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LES ANGLAIS ET L’INDE

sent pour le plonger, vu l’intérêt usuraire de l’argent en ces contrées, dans un abîme de dettes d’où il ne peut jamais sortir. Ces circonstances accidentelles ne sont pas au reste nécessaires pour que le ryot soit remis pieds et poings liés entre les mains du prêteur d’argent. Le besoin de subvenir aux frais extraordinaires de la récolte ou des semailles, d’acquitter l’impôt, l’obligent le plus souvent à obtenir des avances du zemindar (grand propriétaire), ou à emprunter des capitalistes natifs à des taux toujours exorbitants. Aussi presque tous les ryots sont-ils endettés depuis plusieurs générations, sans parvenir, malgré leurs efforts et leur économie, à liquider un néfaste héritage légué par le malheur, l’imprévoyance ou l’inconduite. L’absence de capital, l’intérêt usuraire de l’argent, sont les plaies vives de l’Inde. La rapacité du prêteur y atteint les plus effrayantes proportions. Qiie l’on en juge : c’est jour de bazar ; voici un podtar, changeur de monnaie et usurier de profession, qui suit à pied sur la route un àne, un bœuf, un cheval porteur d’un gros sac tout rempli de ces coquillages, cowries, qui forment le dernier échelon du système monétaire de l’Inde. Arrivé au bazar, il improvise un comptoir sous un arbre, au milieu de la rue, et là vend à la foule ses modestes espèces au prix de 5,760 cowries pour une roupie d’argent. Le soir, les achats sont terminés ; vendeurs et chalands veulent obtenir des espèces d’un transport plus facile, et tous reviennent trouver le banquier au petit pied qui reprend ses cowries, mais au prix de 5,920 cowries pour une