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Mais les coupes d’argent où luisent des agates,
Les médailles, les fleurs, les flots ardents du vin,
Les lourds tissus de pourpre imprégnés d’aromates,
Dans l’abîme béant sont engloutis en vain ;
Et Curtius Marcus avec deux frères d’armes
Célèbres comme lui par d’éclatants exploits,
Quitta les camps troublés et la ville en alarmes
Pour s’en aller vers la Sibylle, au fond des bois
Là, parmi les rochers de la montagne austère,
La prêtresse immobile a vécu deux cents ans
Avec les dieux, dans le silence et le mystère,
Et les siècles passés lui demeurent présents.
Son visage est de marbre, inerte sa paupière,
Mais lorsqu’elle entendit les trois audacieux,
Un rayon dissipa les ombres de ses yeux
Et sa bouche frémit dans sa face de pierre :

Enfin Curtius, tu paraîs,
Toi qu’ardemment je désirais !
Tu viens la tête haute :
Tu n’as pas longtemps combattu,
Triomphateur de blanc vêtu ;
Heureux, ô bienheureux es-tu,
Jeune immortel, mon hôte !

Le feu sacré brûle en ton sein,
Tu confondras le vil essaim
Des lâches qui blasphèment ;

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