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vices dans leurs manifestations les plus diverses, la société dans sa fange y les dépravations dans leurs senti nés, elle n’en sera pas moins susceptible de de- venir, du jour où elle aimera vraiment, — d’un amour profond, enfanté dans la douleur et le croupissement de sa honte, — presque aussi chaste qu’une vierge, plus dévouée qu’une matrone, aussi délicate qu’une héroïne mondaine, naïve et prise d’une pudeur troublante et sincère vis-à-vis de celui qui l’aura transformée.

C’est que le vice l’aura prise de force dans la misère, la souillant en surface sans éveiller son cœur endormi, ses sens meurtris, ses yeux clos au soleil du bonheur. Elle laissera dans l’oubli du ruisseau sa ceinture dorée, oubliant dans l’amour ses passivités de courtisane, comme les riches, hier dans la détresse, oublient peu à peu dans l’opulence leurs tourments physiques, les crampes de la faim et les haillons qu’ils ont portés.

Dans le fumier du vice où tombent tant de filles du peuple par anesthésie de misère, il éclôt souvent et se développe de merveilleuses fleurs de sentiment, semées là par la nature, fécondées par la souffrance et qui s’épanouissent dans tout leur éclat lorsque cesse l’impassibilité de somnambule qui les a conduites à l’homme. Pourrait-on — quoi qu’en die la morale courante — exprimer la même opinion sur une femme du monde corrompue à fond ? Assu-