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seuses inflexibles vont, viennent, passent, le visage sérieux, consterné, jouissant d’une liesse intime, bien que peu débordante.

Dans les entr’actes on se traîne à « l’abreuvoir » et on se remue davantage en buvant la « bonne bière de Mars », le cidre ou la limonade qui’ saute au grand plaisir des filles. Les amoureux ne se mettent pas « pour lors » en frais inutiles de paroles : ils se tiennent la main dans la main et se regardent avec des yeux qui s’alluchent, qui s’allument et s’approfondissent dans la bestialité, plutôt qu’ils ne se causent. Il faut voir aussi dans ces œillades la mélancolie inconsciente de deux regards qui se désirent et se craignent, qui se veulent et redoutent de s’exprimer et aussi la gaucherie troublante des amours qui voudraient se peindre et qui cherchent en vain la façon de se préciser.

Hop ! Le cuivre a retenti : Debout les femmes ! Le ménétrier annonce la polka, quelquefois la valse, on paye chaque tour de bal, et l’on dansote dans la guinguette bien avant dans la nuit, avec cette même réserve, attendant l’heure bénie du retour, l’heure des amours démonstratives, où le jeune gars sera le rameneux, où la jeune fille gravira son premier calvaire d’amour et tombera lourdement « comme une motte » au revers des fossés.

Le rameneux, l’heureux rameneux, dans la nuit épaisse, sous le ciel étoile, comme un manteau de