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pétai que je croyais en elle, que j’y croyais aveuglément, avec tout l’amour qui était en moi ; j’insinuai que le viol ou la séduction l’avaient sans doute jetée si bas ; j’invoquai la détresse, sa grand’mère infirme ou morte, l’isolement, la misère, puis la honte héroïque, un dévouement peut-être au-dessus des arguties de la morale. Que sais-je encore ? — Je parlai de fatalité, de rédemption ; j’avouai ma coupable faiblesse, mon insouciance, lors de la séparation. — Ma souffrance, mes rancœurs, mes remords s’exprimaient enfin d’eux-mêmes, je lacérais mes manchettes et me labourais le front de mes ongles… « Juliette ! criai-je…, Juliette ! toi qui fus ma vie, qui es encore toute ma pensée, je t’en prie ! parle, parle !… montre-moi ton cœur vierge, ton âme toujours chaste ; dis-moi tes souffrances, nomme-moi le traître qui t’a souillée, fais-moi l’instrument de ta vengeance, par pitié, de grâce, ne me laisse pas ainsi. Juliette… si tu m’aimes, réponds-moi ! »

« Elle restait muette, effarée, brisée par les sanglots qui soulevaient son corps et faisaient heurter lourdement sa tête contre l’appui du banc ; des promeneurs attardés passaient sans prendre garde à cette scène tragique ; il me semblait que mon crâne se fendait, tant la douleur le congestionnait. Ma gorge était sèche et mes yeux gonflés de larmes ne pouvaient librement pleurer.

« Soudain, elle se leva, se roidissant contre la