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ange pénétrait mon âme de toutes parts, par quelle séduction irrésistible j’avais été entraîné vers elle, lors de ce voyage heureux d’Angers à Paris, où le destin me la fit rencontrer. — Je n’aurais su trouver d’expression assez vive pour te peindre cette fille céleste, aimable et dévouée. — Hélas ! maudit soit le jour où, cédant aux sollicitations d’un père barbare, je reculai l’heure fortunée où je la voulais faire ma compagne fidèle, l’ange de mon foyer, la vie de ma vie, le soleil de mon être ! — Maudites soient ma lâcheté et mon obéissance filiale !

Juliette n’est plus cette créature idéale pour laquelle je rêvais ambitieusement les honneurs et les titres. Le Ciel m’avait marqué pour être son protecteur, son soutien, son guide ici-bas ; j’avais reçu cette mission, je la voulais grande, riche, estimée, heureuse par moi et pour moi… et je vais payer de ma vie peut-être de n’avoir point osé l’aimer publiquement comme ma femme, de n’avoir su la ravir, l’emporter avec moi, au lieu de m’être montré hésitant, docile aux conseils dictés par un vil intérêt, soumis aux caprices d’une famille qui rêvait le hideux accouplement des fortunes et non la sainte union des cœurs.

« Tu te souviens de mon désespoir lorsqu’avec une si tenace cruauté mon père s’opposa à ce mariage doucement prémédité entre cette sainte Mme d’Irly, sa petite-fille et moi. Je ne me laissai pas entraîner