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de mousseline, se reprit aussitôt à manger. Les deux soldats fredonnèrent une complainte langoureuse, le beau Belcroix roucoula une romance : l’Oubli fait mourir ; Mondor débita une tirade de Harold ou les Scandinaves, tragédie de M. Victor ; somme toute, la pudeur était sauve, et la première couchée eut lieu en bon ordre.

Le lendemain, dès l’aube, tous les voyageurs se retrouvaient dans la cour de la poste aux chevaux ; il avait plu toute la nuit, mais la matinée était superbe et tiède. Florval avait mal dormi comme un amoureux ; il était agité, inquiet, troublé au fond de l’âme et très hésitant sur la conduite à tenir. Lui, si insouciant la veille, si léger, si joyeux, portait déjà le poids d’une passion naissante qui l’envahissait peu à peu davantage. Mme d’Irly et sa petite-fille descendirent et vinrent prendre place sur un banc, pendant qu’on appareillait la voiture. Dorimène caressait un petit toutou blanc, tandis que Mondor plaisantait avec elle sur les conséquences de l’orage de la veille. Florval s’approcha de ces dames, s’informa de leur santé et remarqua un certain trouble dans le regard de la tendre Juliette. La grand’mère avait repris sa lecture, aussi le jeune diplomate en herbe s’enhardit-il jusqu’à s’asseoir aux côtés de sa brune déesse et lui prit-il doucement la main, mettant dans la banalité de ses paroles des sous-entendus qui faisaient trembler sa voix.