Page:Une page d'histoire (éd. Lemerre, 1886).djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

couteau de l’inceste, qu’ils avaient voulu tous les deux.

Hélas ! comment le voulurent-ils ? Comment s’aimèrent-ils, ces infortunés contre qui le monde de leur temps n’éleva jamais aucun autre reproche que celui de leur amour ?… Ce qui fait de l’inceste un crime si rare, c’est l’accoutumance. Dans le château solitaire où ils furent élevés, Julien et Marguerite de Ravalet avaient dû, à ce qu’il semblait, assez s’accoutumer à eux-mêmes pour que leur dangereuse beauté ne fût pas mortelle à leurs âmes ; mais ils étaient la dernière goutte du sang des Ravalet, et leur fatal amour fut peut-être leur inaliénable héritage… Qui a jamais su l’origine de cet amour funeste, probablement déjà grand quand on s’aperçut qu’il existait ?… À quel moment de leur enfance ou de leur jeunesse trouvèrent-ils dans le fond de leurs cœurs la cantharide de l’inceste, souterrainement endormie, et lequel des deux apprit à l’autre qu’elle y était ? Combien de temps avant les murmures grossissants des soupçons et l’éclat détonnant