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cette production a été refusée, une boisson d’un usage journalier, qu’on croit ne pouvoir remplacer par aucune autre, forment pour notre royaume l’objet du commerce d’exportation le plus étendu et le plus assuré.

Animé du désir de voir fleurir une branche de commerce si importante, nous avons recherché les causes qui pouvaient mettre obstacle à ses progrès.

Le compte que nous nous sommes fait rendre de quelques contestations mues en notre Conseil, entre diverses provinces et villes de notre royaume, nous a fait reconnaître que le transport, la vente et l’achat des vins se trouvent assujettis dans un très-grand nombre de lieux, et surtout dans nos provinces méridionales, à des prohibitions, à des gênes multipliées, que les habitants de ces lieux regardent comme des privilèges établis en leur faveur.

Les propriétaires des vignobles situés dans la sénéchaussée de Bordeaux sont en possession d’interdire la consommation et la vente, dans la ville de Bordeaux, de tout autre vin que celui du crû de la sénéchaussée : il n’est pas même permis à tout propriétaire de vendre le sien en détail, s’il n’est bourgeois de Bordeaux, et s’il ne réside dans la ville avec sa famille au moins pendant six mois chaque année.

Le Languedoc le Périgord, l’Agénois, le Querci, et toutes les proinces traversées par cette multitude de rivières navigables qui se réunissent sous les murs de Bordeaux, non-seulement ne peuvent vendre leurs vins aux habitants de cette ville, qui voudraient les acheter ; mais, de plus, ces provinces ne peuvent pas même profiter librement, pour les vendre aux étrangers, de cette voie que la nature leur offrait pour communiquer avec toutes les nations commerçantes.

Les vins du Languedoc n’ont pas la liberté de descendre la (baronne avant la Saint-Martin ; il n’est pas permis de les vendre avant le 1er décembre.

On ne souffre pas que ceux du Périgord, de l’Agénois, du Querci, et de toute la haute Guyenne, arrivent à Bordeaux avant les fêtes de Noël.

Ainsi les propriétaires des vins du haut pays ne peuvent profiter, pour les vendre, de la saison la plus avantageuse, pendant laquelle les négociants étrangers sont forcés de presser leurs achats, pour