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rassaient toutes les communications ; ils n’étaient encore ni reconnus, ni levés.

L’édit de juillet 1764 n’avait eu qu’une exécution momentanée, lorsque ses disposions ont été restreintes : cette législation, encore incomplète, demandait de nouveaux soins ; et cependant des récoltes faibles ne laissaient considérer qu’avec timidité tout projet d’innovation, lorsque l’arrêt du Conseil du 23 décembre 1770, et les lettres-patentes du 16 septembre 1771, en rappelant le régime prohibitif des siècles passés, ont resserré les chaînes dont le commerce des grains commençait à peine à se débarrasser, et en ordonnant cependant la libre circulation, l’ont surchargée de formalités nombreuses et compliquées qui la rendaient impossible.

À cette époque, l’inégalité des récoltes a cessé d’être la mesure de la valeur des grains : leur vrai prix n’a existé en aucun lieu ; on l’a vu excessif en quelques endroits, modéré et même bas dans des lieux assez voisins. Le blé et les seigles ont manqué dans nos ports les plus fréquentés par le commerce, et n’ont pu y être portés des autres ports où régnait l’abondance, lorsqu’il ne s’y est point trouvé de siège d’amirauté. L’apparence, toujours prochaine, de quelque disette locale a surchargé le gouvernement de sollicitudes, de dépenses excessives, d’opérations forcées, qui ont donné au peuple beaucoup d’inquiétude, et trop peu de secours réels ; et dans cet espace de temps où plusieurs récoltes ont été assez bonnes, le prix des grains en général a été plus haut qu’on ne l’a vu en 1775, après la mauvaise récolte de 1774.

L’examen de ces faits, qui sont de notoriété publique, nous a convaincu que le commerce affranchi de toute gêne et de toute crainte peut seul suffire à tous les besoins, prévenir les inégalités des prix, les variations subites et effrayantes qu’on a vu trop souvent arriver sans cause réelle ; qu’il pourrait seul, en cas de malheur, suppléer au vide des disettes effectives auxquelles toutes les dépenses du gouvernement ne pourraient remédier.

Déterminé à donner dans tous les temps à nos peuples des preuves de notre amour, à faire les sacrifices que leur bonheur et la facilité des subsistances pourront exiger de nous, nous voulons choisir par préférence et leur faire connaître ceux dont l’utilité est la plus certaine et la plus directe ; nous nous proposons de fixer l’abondance dans leurs murs, en révoquant des règlements qui la bannissent,