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vaient être mises en valeur, si l’État ne s’en rendait le maître pour en accorder la concession exclusive à certains entrepreneurs.

§ XIII. Exemples de plusieurs mines mises en valeur, avec le plus grand succès, sans aucunes concessions exclusives. — J’aurais pu m’épargner cette discussion, car on n’a pas besoin de prouver la possibilité d’un fait. Puisque les mines de charbon de terre de Newcastle et toutes celles de la Grande-Bretagne s’exploitent avec le plus grand succès, et sont les premières mines du monde en ce genre, malgré la liberté indéfinie dont jouit chaque propriétaire d’ouvrir la terre sous son terrain, il faut bien que cette liberté ne soit pas une chose si funeste.

Les mines de charbon de Saint-Étienne en Forez n’ont pas attendu le règlement de 1744, pour procurer aux manufactures de cette ville une quantité immense de charbon ; elles ont prospéré par la seule liberté.

Les mines d’étain de Cornouailles sont en valeur depuis plus de trois mille ans, et jamais on ne s’est aperçu que la liberté que laissent à cet égard les lois de l’Angleterre ait dérangé ou fait languir les travaux nécessaires à leur exploitation. En France même, les mines dont les matières ne sont pas assez précieuses pour piquer la cupidité des riches entrepreneurs, et qui, par cette raison, échappent aux attentions du gouvernement, s’exploitent sans concession, sans règlements, et pourtant sans abus. Il y a en Limousin, auprès de la ville de Saint-Yrieix, des mines d’antimoine assez abondantes. De temps immémorial, quelques bourgeois de cette ville se sont adonnés à les fouiller : ils s’arrangent avec les propriétaires du terrain, et ces arrangements n’éprouvent point de difficultés, parce que l’avantage est réciproque.

L’expérience est donc sur cela pleinement d’accord avec la théorie ; et, par conséquent, la jurisprudence qui attribue au domaine la propriété des matières souterraines n’est pas plus utile à l’intérêt général de l’État qu’elle ne l’est à l’intérêt fiscal du prince.

§ XIV. De l’opinion de ceux qui voudraient que la loi donnât au propriétaire de la superficie la propriété de toutes les matières souterraines. — J’ai vu des personnes éclairées qui, en regardant le système fiscal comme inutile et nuisible, ne convenaient cependant pas de tous les principes que j’ai établis : elles attribuaient au propriétaire de la superficie la propriété absolue de toutes les matières