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se mette véritablement en possession de tout son ouvrage ; cette possession lui en donne une véritable propriété. L’ouverture en est faite dans son terrain ou dans celui d’un propriétaire qui lui a cédé son droit ; le reste est le fruit de son travail, il a le droit d’en user ; il peut en exclure tout autre au même titre que le premier cultivateur d’un champ a pu l’enclore. Le même motif d’équité, qui a engagé la société à garantir au cultivateur la propriété du terrain qu’il a occupé par son travail, doit faire assurer au mineur la possession permanente des chemins qu’il s’est ouverts pour tirer de nouvelles richesses du sein de la terre.

Le mineur a encore pris possession de la matière même qu’il a arrachée par son travail de la carrière ou de la mine ; mais, à cet égard, sa possession et par conséquent sa propriété se bornent à ce qu’il a effectivement arraché ; que cette matière forme un banc continu, comme dans certaines carrières, ou un filon prolongé, comme dans la plupart des mines, celui qui a pris la matière de ce filon sur dix toises de longueur n’a pas plus de droits sur la suite de ce filon jusqu’à cent et jusqu’à mille toises plus loin, que le propriétaire de la surface n’en avait sur la totalité ; il n’a que la faculté de s’en mettre en possession en continuant son travail ; mais il ne peut empêcher qu’un autre, en ouvrant la terre ailleurs, n’attaque ce banc ou cette veine par un autre côté ; sa possession ne s’étend donc que sur ce qu’il a pris, et ne lui donne aucun droit sur ce qui reste à prendre. Ce principe est important.

§ VII. Par quels principes les contestations entre les mineurs dont les travaux se rencontrent peuvent être décidées. — Chaque propriétaire ayant droit d’ouvrir la terre dans son héritage et de pousser en tous sens ses galeries, il est très-facile que deux mineurs se rencontrent en s’avançant sous terre chacun de leur côté. Par le principe que je viens d’établir, chacun restera le maître, 1o de ses ouvrages souterrains ; 2o de la matière qu’il en aura tirée jusque-là, et n’aura rien à demander à l’autre. S’ils veulent continuer de travailler, comme leur droit est égal, il faut qu’ils s’arrangent ensemble, ou pour se détourner chacun de son côté, ou pour s’associer dans un travail commun ; si l’un des deux se refusait à l’accord, le juge en déciderait, mais il n’aurait besoin pour cela d’aucune autre loi que les principes d’équité naturelle.

L’accord ne serait pas difficile s’il s’agissait de carrières disposées