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que sa véritable valeur. Turgot fit encore main-basse sur tous ces abus. Il ordonna le remboursement des offices, suspendit les droits des villes sur les grains, sauf à pourvoir d’une autre manière à l’insuffisance démontrée des revenus municipaux, et nomma une commission devant laquelle tous les propriétaires particuliers de droits de cette nature furent astreints à produire leurs titres. Le but était d’arriver graduellement au rachat, mesure qu’il se proposait d’étendre plus tard même aux banalités seigneuriales[1].

À ces dispositions, qui avaient pour conséquence naturelle d’abaisser le prix de la denrée qui joue le plus grand rôle dans la nourriture du peuple, le ministre en ajouta d’autres, puisées également dans les principes de la science économique et dans son active sollicitude pour les classes les plus pauvres de la société.

On révoqua l’étrange privilège dont jouissait l’Hôtel-Dieu de Paris de vendre seul de la viande dans la capitale pendant le carême. Les administrateurs évaluaient le produit annuel de ce monopole à 50,000 livres : pareille somme leur fut assignée sur les droits qu’acquittait le bétail au marché de Sceaux et à son entrée dans la ville. On réduisit de moitié les taxes sur la marée fraîche, on abolit complètement celles qui existaient sur le poisson salé ; et la morue sèche de pêche française fut exempte de tout impôt, tant à l’entrée dans les ports du royaume que dans la circulation inter-provinciale[2].

L’industrie et le commerce participèrent, comme l’agriculture, à ce système de protection juste et sage.

Les maîtres verriers de la Normandie réclamaient en vain, depuis un demi-siècle, contre le joug, intolérable pour eux,

  1. Arrêt du Conseil du 3 novembre 1775 ; — Edit de Reims du mois de juin ; — Arrêts du Conseil du 5 juin et du 15 août suivant. — II, pages 229, 200, 198 et 204. — Ces droits, qui variaient selon l’usage de chaque lieu, ne portaient pas seulement sur les blés, seigles, méteils, et leurs farines, mais encore sur les légumes secs, l’avoine et les fourrages. Ils constituaient, dans certaines villes, la dotation du bourreau. (Voyez l’arrêt du 3 juin.)
  2. Déclaration du 27 décembre 1774. — Arrêts du Conseil du 13 avril et 30 janvier 1773, II, pag. 227, 404, 402.