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cessairement de l’épuisement d’argent qu’a du produire la nécessité où l’on a été de tirer du dehors une grande partie de la nourriture des habitants pendant trois années consécutives. Cet argent ne peut rentrer qu’à la longue, et rentrera d’autant plus lentement, que le commerce des bestiaux et celui des eaux-de-vie sera moins florissant, et que la masse des impositions sera plus forte.

La province a encore essuyé, à la suite de la disette, le fléau d’une dépopulation d’autant plus funeste, que les campagnes en ont principalement été frappées et que la culture souffrira extrêmement de ce vide. C’est surtout dans la partie du Limousin que l’épidémie a exercé ses ravages ; il y a régné en 1772 et 1773 des fièvres putrides très-meurtrières, et les registres mortuaires font foi que la mortalité a été en 1772 plus forte que dans les années ordinaires dans la proportion de 4 à 3, ou, ce qui est la même chose, d’un tiers en sus.

Telles sont les considérations que présente l’état de la province au moment actuel. Mais ce ne sont point ces considérations qui doivent principalement influer sur la diminution que nous réclamons de la bonté et de la justice du roi ; c’est la surcharge sous laquelle gémit cette province depuis si longtemps, que nous avons démontrée par un Mémoire très-détaillé en 1766[1], et dont nous n’avons cessé depuis de mettre chaque année les preuves sous les yeux du Conseil. Nous les avons développées tant de fois, avec tant de force, avec tant d’étendue, que nous sommes réduit à l’impuissance de rien dire de nouveau sur cette matière épuisée ; mais n’est-ce pas notre devoir de nous répéter jusqu’à ce que le Conseil nous écoute ?

Nous ne pouvons que supplier le Conseil de prendre encore en considération le Mémoire que nous avons joint à notre Avis sur les impositions lors du département de 1766 pour 1767, et notre Avis de l’année dernière, dont nous allons encore lui rappeler le précis.

Trois motifs principaux établissent la nécessité absolue de soulager la généralité de Limoges dans la fixation de ses impositions.

Le premier est la surcharge démontrée dans les différents Mémoires que nous avons donnés, desquels il résulte que les fonds taillables de la généralité de Limoges payent au roi, en y comprenant les vingtièmes, de 45 à 50 pour 100 du revenu total de la terre, ou de 90 à 100 pour 100 de ce que tirent les propriétaires,

  1. Voyez plus haut, page 541 de ce volume.