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la grandeur du mal qu’il annonce. Il est moins universel qu’en 1769, mais il y a des cantons où il est plus grand. Je distinguerai la généralité en trois parties relativement à la production des grains.

L’Angoumois et une partie du Limousin ont pour productions principales en grains le froment, quoique cette production n’occupe qu’environ le sixième des terres, le reste étant occupé par le blé d’Espagne, les fèves, et surtout par les vignes. Quoi qu’il en soit, il paraît que la production de cette année est dans cette partie d’environ 140 pour 100 de celle de l’année dernière, c’est-à-dire qu’elle est de deux cinquièmes plus forte. À la vérité, l’année dernière était extrêmement mauvaise. Je regarde cette partie de pays comme formant environ les cinq douzièmes de la généralité. Dans la seconde partie du Limousin, faisant à peu près le tiers de la généralité, je vois que les dîmes, comparées à celles de 1769, sont les unes de 109, d’autres de 107, de 103, de 100, de 99, et quelques-unes de 90 seulement pour 100, c’est-à-dire les plus favorisées, d’un dixième plus fortes, et celles qui le sont le moins, d’un dixième plus faibles ; d’où je conclus qu’en faisant une compensation, la récolte du seigle y est égale à celle de l’année dernière. Enfin, la troisième partie de la généralité est ce qu’on appelle particulièrement la Montagne, qui s’étend le long de la généralité de Moulins et de celle d’Auvergne. Elle comprend toute l’élection de Bourganeuf, environ la moitié de celle de Tulle, et du tiers au quart de celle de Limoges, en tout le quart à peu près de la généralité. Ce canton n’a point de châtaigniers, et il s’y trouve moins de prairies que dans le reste du Limousin ; mais, quoiqu’il y ait des landes assez étendues, on y recueille ordinairement beaucoup plus de seigle qu’on n’en consomme, et cette partie est regardée comme le grenier de la province. C’est là principalement que se font les grosses réserves qui, dans les années disetteuses, se répandent sur les différentes parties qui souffrent. Quoique la dernière récolte n’y eût pas été bonne, il en est cependant sorti beaucoup de grains pour le reste du Limousin et pour le Périgord, et la misère excessive s’y est fait sentir plus tard qu’ailleurs ; mais cette année elle est portée au dernier degré, et cela dès le moment présent. Dans un très-grand nombre de domaines, on n’a pas recueilli de quoi semer. Je vois par les états des dîmes que dans plusieurs paroisses la récolte n’y est que dans la proportion d’environ 38 pour 100 de celle de 1769 ; dans quelques autres, de