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Cet état ne monte qu’à 38,181 liv., et nous croyons que la modicité de cette somme, dans une année aussi malheureuse que celle-ci, doit prouver au Conseil combien il serait cruel pour les provinces de ne régler les diminutions que la bonté du roi veut bien accorder, qu’à raison de ces diminutions particulières accordées aux paroisses pour des accidents extraordinaires. Il est rare que ces accidents soient assez nombreux et assez considérables pour absorber la plus grande partie du moins-imposé accordé par le roi. Les pertes qui résultent de l’intempérie des saisons, et qui se font sentir à toute une province, méritent une tout autre considération, et ce sont elles qui doivent solliciter le plus puissamment la bonté du roi. En effet, il serait facile de soulager quelques paroisses grêlées en répartissant sur le reste de la province en augmentation le soulagement qu’on leur accorderait, sans que cette augmentation parût très-sensible. Mais, lorsqu’une province entière a souffert dans la totalité ou dans une partie considérable de ses récoltes, il n’y a que la bonté du roi qui puisse la soulager. Il peut même arriver souvent que la perte générale soit telle, qu’il devienne injuste d’accorder de fortes diminutions en faveur des accidents particuliers.

En effet, si l’on suppose que les vignes d’une paroisse aient été grêlées, cet accident, qui mériterait beaucoup d’égards dans le cas où la vendange aurait été abondante dans les autres paroisses, cesse, pour ainsi dire, d’être un malheur particulier pour celle qui l’a essuyé, si la sécheresse ou les pluies détruisent partout les espérances qu’avaient d’abord données les vignes. Alors, pour rendre justice à tous, il faudrait supprimer la diminution destinée à la paroisse grêlée ; et, si l’on suivait le principe de ne soulager les provinces qu’à raison des diminutions accordées pour les accidents particuliers, il en résulterait qu’elles seraient d’autant moins soulagées, que la province serait plus malheureuse.

Il résulterait aussi de ce principe que les parties de la province qui n’auraient essuyé aucun accident particulier, essuieraient une augmentation effective de la totalité du moins-imposé qui avait été précédemment accordé par le roi pour être réparti sur tous les contribuables, et dont la plus grande partie d’entre eux cesserait d’éprouver aucun soulagement. Si, par exemple, le roi n’accordait cette année de soulagement à la généralité de Limoges que jusqu’à la concurrence des accidents particuliers, il en résulterait sur tous