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et les passe toutes en revue avec une profondeur et une lucidité d’analyse dont jusqu’à lui personne n’avait encore donné l’exemple. La nécessité de l’échange, celle de la division du travail et ses effets, la naissance et la formation du commerce, la classification de ses divers agents, l’origine et la nature de la monnaie, les causes qui ont fait consacrer les métaux précieux à cet usage, la révolution produite par l’introduction de l’or et de l’argent dans le commerce, la notion de la valeur en usage et de la valeur en échange, celle du capital et la description de ses divers modes d’emploi, le partage nécessaire des deux classes laborieuses en chefs capitalistes et en simples travailleurs, la légitimité de l’intérêt de l’argent, l’impuissance de la loi humaine pour en fixer le taux, les lois économiques qui le déterminent, et enfin l’analyse de tous les éléments de la richesse nationale, voilà les thèmes divers que la plume de Turgot a su relier avec un art admirable, pour en former un ensemble scientifique auquel la précision la plus lumineuse sert de cachet. Jamais plus d’idées justes, sur pareille matière, ne furent concentrées en moins de pages. Il n’y a pas, sans doute, dans cette œuvre, tout le livre d’Ad. Smith, de même que tout le tableau d’un grand maître n’existe pas sur la toile, quand son génie n’a fait qu’en tracer l’ébauche ; mais supposez que cette ébauche soit terminée par un artiste d’un mérite égal, et peut-être aurez-vous une opinion exacte de la part respective de gloire qui appartient à l’élève de Gournay et au philosophe de Glascow. Esprit plus généralisateur, le premier pose les principes fondamentaux de la science ; tandis que le second, doué surtout de la faculté de l’analyse, en déduit avec une sagacité profonde les nombreuses conséquences : on peut disputer sur le plus ou moins de valeur de ces deux tâches ; mais il nous semble qu’aucune des deux n’a le droit de faire oublier l’autre[1].

  1. Le Plan d’un Mémoire sur les impositions ; la Comparaison de l’impôt sur le revenu avec l’impôt sur les consommations ; les Observations sur le Mémoire de M. de Saint-Péravy, et sur celui de M. Graslin, œuvres malheureusement incomplètes, sont encore d’un haut intérêt. On peut les considérer comme