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faire des mécontents : on ne rend pas justice à l’un sans faire perdre quelque chose à un autre. Je n’ai pas la vanité d’imaginer que j’éviterai tous les murmures ; mais il est du moins essentiel d’ôter aux mécontents tout prétexte fondé de se plaindre et de se faire un appui du public contre les particuliers. Or, pour y parvenir, il est essentiel que toute la dépense soit faite par le gouvernement, sans qu’on soit obligé de rien demander aux particuliers. Je sais que les excédants de capitation semblent offrir une ressource ; mais la province est déjà tellement surchargée, qu’on ne peut y compter beaucoup. Le public s’aperçoit de l’augmentation, et le succès dépend de la confiance que je pourrai lui inspirer. J’ai écrit à M. d’Ormesson pour le prier de vous proposer d’accorder à la province, sur la partie du roi, une diminution de capitation de 60,000 livres pendant<ref>trois ou quatre ans. Cette somme, dont vous laisseriez d’ailleurs subsister l’imposition, que j’espère adoucir par la manière d’opérer la réparation et le recouvrement, pourra suffire aux frais du travail.

Il est assez intéressant au royaume, en général, qu’on sache une fois à quoi s’en tenir sur la possibilité d’une opération tant désirée, et qui a toujours rencontré tant d’obstacles, pour qu’il soit juste de l’y faire contribuer en répartissant pendant un temps sur toutes les généralités cette diminution accordée à celle de Limoges. La surcharge serait bien médiocre pour chacune. Il me paraîtrait essentiel de commencer dès le département prochain, parce que l’argent ne pourra pas rentrer sur-le-champ.

Si vous n’étiez pas dans la disposition de m’accorder d’autres secours pour cette opération qu’une nouvelle imposition sur la province, les mécontentements que je prévois me feraient préférer de n’en être point chargé, et je vous supplierais en ce cas de vouloir bien m’accorder l’intendance de Lyon.

Mais en même temps je ne puis m’empêcher d’insister auprès de vous sur le tort que vous feriez à la province en abandonnant une pareille opération après l’avoir commencée. Je prendrai en même temps la liberté de vous représenter que, pour perfectionner la répartition des impositions et pour ôter l’obstacle que fait aux progrès de l’agriculture la crainte que donne la taille arbitraire de ne pouvoir améliorer son fonds sans s’exposer à une surcharge, il est très-important de répartir l’imposition que supportent les terres d’après