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Le parti de taxer en plein sur la tête du colon est moins éloigné du système actuel, et c’est à quelques égards un avantage.

Soit qu’on suivît l’un ou l’autre système, il faudrait également que les arrangements entre les propriétaires d’une part et les fermiers ou colons de l’autre fussent un peu différents, car il est certain que, si le propriétaire est chargé de tout, le colon doit lui rendre bien davantage de sa terre ; si au contraire c’est le colon, il rendra d’autant moins au propriétaire. Ces arrangements se feraient d’eux-mêmes en assez peu de temps ; mais on ne peut disconvenir que le moment du changement ne dût produire quelque embarras par rapport aux conventions déjà faites. Pour éviter cet inconvénient, il serait nécessaire de prendre des précautions, assez difficiles à déterminer, et sur lesquelles il faudrait que le législateur statuât en établissant sa loi nouvelle.

Je ne puis que vous indiquer une partie des questions que vous trouverez à examiner et à discuter sur les règles du tarif ; la connaissance que vous avez de cette matière vous en fera naître sans doute beaucoup d’autres. Je passe au troisième objet, que je propose à vos réflexions : l’estimation des fonds.

Les règlements sur la manière de répartir l’imposition d’après l’estimation des fonds sont proprement ce qu’on appelle, en matière de taille, le tarif. Ce tarif doit être appliqué d’après la connaissance exacte de la valeur des fonds ou du moins de la proportion entre les différents fonds, c’est-à-dire de leur valeur relative ; l’estimation des fonds qui fixe cette proportion est proprement le cadastre ; le tarif et le cadastre sont deux choses très-différentes et indépendantes l’une de l’autre.

Un bon tarif peut être appliqué à un mauvais cadastre, et réciproquement ; l’un peut être changé, l’autre restant le même. Ainsi, sans rien changer aux abonnements, on pourrait ou supprimer ou augmenter certains privilèges ; on pourrait charger plus ou moins les bestiaux, les maisons, les profits de ferme, les industries, etc. L’on pourrait de même changer tous les abonnements, et laisser subsister toutes les règles contenues dans l’un ou l’autre des préambules de rôles.

Je voudrais bien pouvoir me flatter que les estimations d’après lesquelles on répartit la taille dans cette province méritassent une entière confiance. J’ai cru, pendant quelque temps, que du moins