Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment de la population, suite naturelle de l’abondance des productions.

4o C’est très-gratuitement qu’on suppose que l’épargne diminue les valeurs vénales, en retirant de la circulation les sommes mises en réserve. Elles y rentrent presque toutes sur-le-champ ; et pour en être convaincu, il ne faut que réfléchir sur l’usage qu’on fait de l’argent épargné : ou bien on l’emploie en achats de terre, ou bien on le prête à intérêt, ou bien on le met en avances dans des entreprises de culture, d’industrie, de commerce. Il est évident que ce troisième genre d’emploi fait rentrer de suite les capitaux dans la circulation, et les échange en détail contre les instruments, les bestiaux de labour, les matières premières et les salaires des ouvriers, l’achat des marchandises qui sont l’objet du commerce. Il en est de même des deux autres. L’argent de l’acquéreur d’un bien-fonds passe au vendeur ; celui-ci vend ordinairement pour faire une acquisition plus utile ou pour payer des dettes, et c’est toujours à ce dernier objet que va le prix de la vente ; car si le premier vendeur achète un autre fonds, ce sera le vendeur de celui-ci, ou, si l’on veut, un troisième qui ne vendra que pour se libérer ; si ce sont des dettes criardes, voilà l’argent redépensé et rejeté dans la circulation. Si ce sont des dettes portant intérêt, le créancier remboursé n’a rien de plus pressé que de prêter de nouveau son argent. Voyons donc ce que devient l’argent prêté, ce qu’en fait l’emprunteur.

Les jeunes gens de famille dérangés et les gouvernements empruntent pour dépenser, et ce qu’ils dépensent rentre à l’instant dans la circulation. Quand ils sont plus sages, ils empruntent pour s’arranger, pour payer les dettes exigibles, pour rembourser les créances qui portent un intérêt trop fort. Quelques personnes empruntent pour compléter le prix des acquisitions qu’elles veulent faire en biens-fonds, et à cet objet d’emprunt s’applique ce que j’ai dit plus haut sur l’acquisition des terres, savoir, que cet argent, à la seconde ou à la troisième main, retourne à la circulation en se redistribuant dans le commerce. Quant aux emprunts des entrepreneurs, manufacturiers, commerçants, on sait bien qu’ils sont versés sur-le-champ dans leurs entreprises, et dépensés en avances de toute espèce.

Il suit évidemment de ce détail que l’argent épargné, accumulé, mis en réserve pour former des capitaux, n’est point enlevé à la circulation, et que la somme des valeurs pécuniaires, qui se balance