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trebande n’est que de 10 pour 100, il est évident que l’on fera passer presque tout en fraude, et que l’impôt produira d’autant moins au gouvernement. Or, plus les marchandises sont précieuses, plus elles ont de valeur sous un moindre volume, plus la fraude est facile. Il est plus aisé de cacher pour 20,000 livres de dentelles que pour 20 francs de blé ; il faut donc diminuer le droit à proportion de ce que la denrée a plus de valeur, et les dépenses des riches sont précisément les moins chargées. Tous les droits excessifs ne peuvent être levés que par la voie de la vente exclusive ; mais les maux de ce genre d’impôt sont innombrables, et les effets qu’il produit, par le dérangement du commerce et par le renversement de toutes les notions morales dans l’esprit du peuple, sont plus funestes encore que ceux qu’il produit en qualité d’impôt indirect, et qui lui sont communs avec tous les autres impôts sur les consommations.


C’est certainement un mal qu’une très-grande partie des dépenses des particuliers se fasse dans la capitale ; mais cet inconvénient n’est point particulier aux profits de la ferme générale. Ceux des receveurs-généraux qui proviennent de l’impôt direct, ceux des gagistes et des pensionnaires du gouvernement, les revenus de tous les grands propriétaires, se dépensent dans la capitale. C’est un grand mal, mais qui tient plus au système général du gouvernement qu’à la nature de l’impôt indirect.


Il semble que l’auteur envisage ici comme un mal, qu’une partie des profits des fermiers-généraux soit mise en réserve pour former des capitaux, et que l’argent qu’ils ont perçu ne soit point rendu de suite à la circulation. Laissons là les fermiers-généraux, car l’avantage, et ce que l’auteur croit l’inconvénient, d’économiser sur les profits, ne tient pas plus aux leurs qu’à tout autre ; et considérons la chose en général.

L’auteur et la plupart des écrivains économiques semblent supposer que la totalité des revenus doit nécessairement être reversée immédiatement dans la circulation, sans qu’il en soit mis aucune partie en réserve pour former un capital pécuniaire, et que, s’il en était autrement, la reproduction souffrirait. — Il s’en faut bien que cette supposition soit vraie ; pour en sentir la fausseté, il suffit de