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coton dans quelques petites villes des environs de Limoges. À tous ces titres ils méritent des égards et des encouragements. — Il s’agit de voir si ceux qu’ils demandent peuvent leur être accordés sans inconvénient.

Ils demandent d’abord des lettres de noblesse. On ne peut douter que cette distinction honorifique, accordée de temps en temps à quelques commerçants, ne soit très-propre à faire naître parmi eux une émulation utile. C’est un témoignage solennel que donne le gouvernement de la considération avec laquelle il regarde l’état des commerçants ; c’est pour eux un gage de la considération publique, et un motif d’estimer leur état et d’y rester attachés. Mais cette faveur ne doit pas être prodiguée. Elle doit, ce me semble, être réservée pour des négociants d’un ordre supérieur, qui, par l’étendue ou la nouveauté de leurs entreprises, ont fait faire un progrès réel au commerce de la nation ; à ceux qui, dans des temps difficiles, ont servi l’État de leur fortune ou de leur crédit ; à ceux qui ont introduit dans la nation une industrie inconnue avant eux, et propre à former une branche de commerce avantageuse.

En rendant justice à l’utilité réelle de l’établissement des sieurs La Forêt, on doit convenir qu’elle ne peut les placer dans cette première classe. Ils ont formé une fabrique de cotonnades, genre d’industrie à la vérité nouvellement introduite en Limousin, mais connue et florissante depuis longtemps dans d’autres provinces du royaume. Ils ont joui pendant vingt ans d’un privilège exclusif onéreux à la province, et il sera toujours douteux si leurs soins et leurs avances ont été plus utiles aux progrès du genre même de travaux dont ils ont donné l’exemple, que leur privilège exclusif n’y a été nuisible en étouffant l’industrie de tous ceux qui auraient pu former des entreprises semblables. Ce n’est que depuis l’expiration de leur privilège exclusif, que leur établissement peut être regardé comme vraiment utile ; et à partir de cette date leurs services ne sont certainement ni assez anciens, ni assez étendus, pour mériter une récompense aussi distinguée que des lettres de noblesse.

Ils demandent en second lieu l’exemption du vingtième d’industrie à raison de leur fabrique. L’imposition du vingtième d’industrie me paraît en général assez mal entendue. L’industrie n’a que des salaires ou des profits qui sont payés par le produit des bien-fonds, et qui ne forment point une augmentation dans la somme des reve-