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cette inégalité ne saurait produire un commerce durable, à moins que la nation qui paye cher n’ait d’autres denrées à donner en retour et qui, dans le lieu où se fait le retour, reçoivent une égale augmentation du prix. C’est effectivement le cas où se trouve l’Europe en général par rapport à l’Amérique en général. On peut donc regarder comme une règle sans exception que tout commerce d’exportation considérable ne peut être de durée s’il n’est contrebalancé par une importation d’égale valeur, et réciproquement ; sans cette égalité de balance, la nation qui ne ferait qu’acheter et ne vendrait pas serait bientôt épuisée, et le commerce cesserait. Il résulte de là et il est certain dans le fait que les États que l’on croit qui gagnent le plus au commerce par l’excès des exportations sur les importations, ou ce qu’on appelle la balance en argent, ne reçoivent pour cette balance, prise année commune, qu’une valeur infiniment médiocre en comparaison de la totalité du revenu national, et que ces États en restituent à l’étranger, par diverses voies moins apparentes, ce qu’ils n’en emploient pas en vaisselle, meubles et bijoux.

C’est pourtant sur ce seul excès, dont l’exportation surpasse l’importation, qu’on peut imaginer d’asseoir la portion de l’impôt qu’on voudrait faire payer aux étrangers à la décharge des propriétaires nationaux, car on voit au premier coup d’œil qu’il n’y a aucun profit de ce genre à faire sur la partie du commerce étranger qui consiste en importations et en exportations balancées les unes par les autres. Faites telle supposition que vous voudrez sur la manière dont se partage la charge de votre impôt entre l’acheteur et le vendeur, le résultat sera le même. Si vous croyez que la charge retombe sur le vendeur, vous perdrez comme vendeur ce que vous gagnerez comme acheteur. Si c’est sur l’acheteur que retombe l’impôt, vous perdrez comme acheteur ce que vous aurez gagné comme vendeur, et si le fardeau se partage également entre eux, comme vous êtes autant l’un que l’autre, vous ne perdrez ni ne gagnerez.

L’étranger n’achète rien de vous qu’au même prix que pourraient le lui fournir les autres nations. Si vous mettez chez vous un droit de sortie, ce droit, prélevé sur le prix que l’étranger vous aura payé, ne pèsera donc que sur vos vendeurs nationaux.

L’étranger non plus ne vous vendra rien si vous ne le lui payez au même prix que les autres nations en voudraient donner. Si vous mettez un droit sur l’entrée de sa marchandise, il sera en surhausse-