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faire des dépenses beaucoup plus considérables ; seulement il suffira de connaître (ce qui est aisé par le calcul) quelle est la progression suivant laquelle le nombre des billets doit être augmenté chaque année ; car il est visible que ceux de l’année précédente ayant augmenté le prix des denrées en se balançant avec elles, pour faire la même dépense il faut en faire bien davantage la seconde année, suivant une progression qui s’augmentera encore à mesure que les dépenses prendront une plus haute valeur nominale. Il faut, en général, toujours garder la même proportion entre la masse totale des anciens billets et celle des nouveaux, le quart, par exemple. Suivons cette hypothèse dans ses avantages et ses inconvénients, nous tirerons ensuite quelques conséquences.

1o J’avoue que, par ce moyen, le roi, en donnant à ses sujets pour leurs denrées des billets qui n’équivalent pas à des denrées, ce qui serait toujours se servir de leur bien, leur épargnerait du moins les frais et les vexations qui augmentent la quantité et le poids des impôts.

2o Je ne sais trop comment on pourrait connaître si ce secours que le roi tirerait de ses sujets serait payé par tous dans la proportion de leurs richesses. Il est visible que si le marchand qui a reçu le billet du roi n’en tire que le prix qu’il doit avoir dans sa circulation avec la masse des billets dont il a augmenté le nombre, en ce cas, ceux avec qui le roi traiterait immédiatement porteraient seuls le poids de l’impôt.

La solution de cette question dépend d’un problème assez compliqué, dont voici l’énoncé : quand et comment, par la circulation, une somme d’argent nouvelle vient-elle à se balancer avec toute la masse des denrées ? — Il est clair que ce n’est qu’en s’offrant successivement pour l’achat de diverses denrées qu’elle vient les renchérir pour le public et s’avilir elle-même. — Quand celui qui a reçu l’argent du roi le répand, il n’a point encore circulé, ainsi les denrées ne sont point encore enchéries ; ce n’est qu’en passant par plusieurs mains qu’il parvient à les enchérir toutes. Il paraît par là que, quoiqu’on ne puisse avoir là-dessus rien d’absolument précis, il est pourtant vraisemblable que la perte se répartirait assez uniformément sur tous les particuliers, c’est-à-dire qu’ils seraient tous mécontents, et non sans raison.

On sait, par les registres des monnaies, que depuis la refonte