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LE CONTEUR BRETON

J’avais, je crois, votre âge, lorsque ma marraine (petite fée bonne et loyale) me dit d’aller lui chercher la Pomme de beauté, qui se trouvait dans une petite île, au milieu d’un grand lac. Cette pomme, dit-elle, est sur un arbre qu’a produit une bouture de l’Arbre du bien et du mal. Elle est gardée par la Mort, armée de sa faulx, et prête à trancher le fil des jours de celui qui voudrait prendre cette pomme.

Ma marraine m’instruisit de ce qu’il y avait à faire : — Au moyen de ces souliers de soie que je te donne, tu marcheras sur l’eau, me dit-elle, et lorsque tu seras près de l’île, tu t’approcheras en silence du grand faucheur ; puis avec cette petite pierre verte, tu toucheras la pointe de sa faulx qui tombera à l’instant en poussière. Il ne t’arrivera aucun mal, à moins cependant, ajouta-t-elle, que tu ne meures comme sont morts ceux qui ont essayé d’atteindre cette pomme.

Jeune alors et étourdie comme vos deux frères, c’est à peine si j’écoutais ma marraine, c’est à peine si j’écoutais ses recommandations. Je partis donc et, voyant avec quelle facilité je marchais sur l’eau, je m’amusai longtemps à courir autour de l’île en me moquant de la Mort. Celle-ci, comme si elle eût été placée sur un pivot, se tournait sans cesse vers moi, brandissant en l’air le fer de sa faulx prête à me frapper. Une fois, comme je tournais ainsi avec vitesse, je m’élançai d’un bond sur l’île, et tandis que je cherchais ma

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