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avait compté, dès qu’il aurait dépassé les jardins d’orangers, se lancer au galop pour ne plus s’arrêter que sous les murs de Jérusalem. Mais bien des heures de route pénible devaient s’écouler avant que ces murailles ne lui apparussent. Il faisait à peu près cinq kilomètres à l’heure. Pendant la matinée, il s’efforça de hâter l’allure, mais à mesure que le soleil darda de plus chauds rayons, ses efforts se ralentirent, et, bien avant le soir, il en était venu à se dire que Jérusalem était un mythe, son drogman un imposteur et son coursier arabe une affreuse haridelle.

— C’est le voyage le plus long que j’aie fait de ma vie, dit George.

— Plus long, oui. Un haut de deux montagnes plus, et deux descendres, et alors là ; oui ! dit le drogman qui, parmi ses nombreux talents, ne pouvait pas mettre une connaissance approfondie de la langue anglaise au premier rang.

Enfin les deux montagnes et les deux descendres furent passés, et George apprit que la muraille dont il voyait les vives arêtes se dessiner nettement sur le sol rocailleux était Jérusalem. Il y a toujours quelque chose de très-saisissant dans le premier aspect d’une ville murée qui n’a pas de faubourgs ou de dépendances extérieures. Cela ressemble à un château de cartes qu’on aurait bâti sur une table. Chez nous, en Angleterre, il est toujours difficile de dire où la campagne finit et où la ville commence, et même les villes murées du continent se présentent bien rarement à nous de façon à ce que leurs angles de pierre se dé-